Et si Jurassic Park III était canon au diptyque de Michael Crichton ?

Aujourd'hui, rêvons un peu avec une idée bien farfelue.

Une novélisation de Jurassic Park III datant de 2001. C'est ce qui m'a donné l'idée de cet article.

Comme vous le savez tous et toutes, Michael Crichton a écrit les saintes écritures que sont Le Parc Jurassique (1990) et Le Monde Perdu (1995). Cela a débouché sur deux excellents films et la firme Universal Pictures, sentant un sacré bon filon à exploiter pour faire un maximum de pognon facile, a rapidement voulu se lancer dans la production d'un troisième. Sauf que cette fois-ci Crichton n'avait pas l'intention d'écrire un troisième roman, considérant qu'il avait déjà relevé (avec brio) le défi d'une unique suite à une de ses œuvres et qu'il voulait passer à autre chose. S'il fut bien lié à l'origine au projet d'un troisième film Jurassic Park, il le quitta rapidement, estimant qu'aucune idée valable ne se dégageait pour démarrer une histoire pertinente à raconter. 

Ainsi donc Jurassic Park III dut se faire sans l'auteur et une bonne partie des difficultés à écrire le film sont dès le départ venues de là, pas arrangées par le fait que la seule justification de l'existence même du film (comme les autres qui suivront d'ailleurs) n'est que le fait de remplir une case calendaire pour avoir une grosse sortie en été, histoire de gonfler le chiffre d'affaires. 

Finalement, on connait la suite : Jurassic Park III sort à l'été 2001 et s'il est loin d'être la bouse intégrale que beaucoup dénoncent (y compris des fans qui trouvent le moyen d'idolâtrer Jurassic World qui est mille fois pire), il est très nettement inférieur aux deux précédents films réalisés par le grand Steven Spielberg. Objectivement, Jurassic Park III reste un film assez faible qui ne raconte pas grand-chose, se contentant d'être un filler bonus à l'histoire du diptyque spielbergien (bien que l'arc de Grant ne soit pas trop mal, même si une certaine réplique traduisant la psychologie du personnage fut comprise à l'envers par quasiment tout le monde). Avec des défauts évidents et des facilités plus ou moins grosses, avec le recul, on voit bien que Jurassic Park III est le premier symptôme d'un mal qui aboutira une décennie plus tard au désastre artistique qu'est la saga Jurassic World. 

Toujours mieux que les débilités trevorrowiennes.

Mais si malgré tout Jurassic Park III pouvait être canon aux deux romans de Michael Crichton ? Comment cela ferait-il évoluer l'histoire du film que l'on connait ? Qu'est-ce qui serait à changer, qu'est-ce qui serait à conserver ? Entre fanfiction fanboyisée et uchronie délirante, je vous propose d'imaginer ce à quoi pourrait ressembler un roman Jurassic Park III intégré dans le canon crichtonien. 

Nous allons nous attacher à développer ces idées en plusieurs points.

1. La situation de la saga

Le contexte d'un JP3 "crichto-compatible" est un peu difficile à tracer, étant donné que la situation à la fin du Monde Perdu de Michael Crichton (1995) est assez différente de celle à la fin du Monde Perdu de Steven Spielberg (1997). En effet, dans le diptyque littéraire, à la fin du second roman, en dehors de nos protagonistes tout le monde ignore encore l'existence des dinosaures sur Isla Sorna alors qu'évidemment c'est tout l'inverse qui se produit à la fin du deuxième film. D'autre part, et c'est aussi une différence radicale, on sait que dans le roman les dinosaures sont amenés à terme à disparaitre alors que dans le film ils sont appelés à vivre leur vie tranquillement dans leur coin (c'est un point qui fait totalement sens avec le propos du film précédent mais qui sera détruit par Jurassic World, comme longuement développé ici). 

J'aurais cependant tendance à reprendre ce que j'ai imaginé voici plus de deux ans et demi dans mon article questionnant le devenir éventuel du Site B dans les romans (ici). C'est ainsi que l'on peut se dire l'équipe de Malcolm aurait, tout de même, mis au courant le gouvernement costaricain et a trouvé un accord pour que contrairement à Isla Nublar il n'y ait pas de destruction et d'ainsi profiter du peu de temps qu'ont les dinosaures devant eux à cause du DX pour les étudier. Je pense que dans ce cas-ci, le gouvernement du costaricain pourrait accepter à deux conditions : 

1. Qu'aucune révélation publique ne soit faite (afin de ne pas écorner la réputation de paradis touristique du pays et de pays parmi les plus sûrs du monde, c'est dans la continuité de ce qu'on a dans Le Monde Perdu).
   
   
2. Que tout incident avec les dinosaures menaçant le secret conduira à la destruction de l'île (dans la continuité du problème d'image du Costa Rica).  

Cependant, on peut imaginer qu'une rumeur voulant que les étranges créatures se manifestant sur le continent dans Le Parc Jurassique et Le Monde Perdu proviennent d'Isla Sorna apparaisse. Si l'île est logiquement interdite d'accès et qu'aucune communication officielle n'est faite dessus, il serait logique que l'on retombât sur une situation à peu près similaire à celle que l'on connait au début de Jurassic Park III : telle une Zone 51 costaricaine, l'endroit attire un certain nombre de curieux qui tentent de s'en approcher pour découvrir la vérité ou pour la simple émulation de sensations fortes liées au fait de pénétrer dans un lieu sur lequel règne le mystère. C'est ainsi que l'on pourrait imaginer conserver quasiment à l'identique l'entreprise illégale de tourisme autour d'Isla Sorna, monnayant des voyages dans les eaux environnantes du Site B. Pour une raison contextuelle à définir, la surveillance autour de l'île par les autorités costaricaines pourrait s'être amoindrie à un moment donné, permettant à cette entreprise illicite de multiplier les approches. À partir de là, on peut avoir dans les grandes lignes le même événement perturbateur que dans Jurassic Park III : l'un de ces  voyages tourne mal et Ben Hildebrand et Eric Kirby se retrouvent coincés sur l'île. Hildebrand est tué et Eric reste seul pendant une certaine durée au milieu des dinosaures. 

Dans une optique plus sérieuse que celle des films, il semble assez logique que le gouvernement du costaricain ne dise absolument rien de cet événement-ci et se contente de broder une version officielle où Isla Sorna ne figure pas, afin de ne pas alimenter les rumeurs. Du reste, ce n'est pas une chose farfelue puisque c'est ce qu'a fait InGen en présentant aux journalistes une fausse île à la place d'Isla Nublar pour décrédibiliser les rumeurs qui commençaient à poindre sur l'entreprise. 

Comme dit précédemment, cet incident avec les deux disparus pourrait être justement la goutte d'eau qui fait déborder le vase. J'imagine que, avec l'accord de l'équipe de Malcolm, cela acte un bombardement prochain d'Isla Sorna pour détruire toute trace des dinosaures et enfin enterrer l'affaire InGen. Cela rajoute à l'histoire une notion d'urgence pour les parents Kirby à essayer de retrouver leur fils, sachant que s'il est toujours vivant le temps lui donc désormais compté. 

Alors que le Costa Rica fait tout ce qu'il peut pour maintenir le secret sur Isla Sorna, un accident survient.

2. L'histoire

A peu de choses près, l'histoire de ce "Parc Jurassique III" serait très similaire à celle du film. Les parents Kirby demandent au grand paléontologue Alan Grant de venir avec eux pour un voyage touristique de survol d'Isla Sorna, une île méconnue appartenant au Costa Rica et sur laquelle la rumeur publique prétend qu'il y aurait des dinosaures vivants. Si les Kirby se tournent vers Grant, c'est parce qu'il est un paléontologue de renommée mondiale, qu'ils peuvent financer ses fouilles et surtout parce qu'il est associé aux légendes urbaines relatives à un événement qui aurait eu lieu sur une autre île costaricaine, Isla Nublar, en août 1989, douze ans auparavant. Évidemment, rien ne va se passer comme prévu et l'on reprend quasiment à l'identique les éléments du film : 

• L'avion affrété par les Kirby coupe volontairement les avertissements radio des autorités costaricaines, s'engage sur l'île et découvre qu'il y a effectivement des dinosaures (certes en nombre fatalement beaucoup plus réduit que dans Jurassic Park III, le DX faisant son œuvre et ayant sans doute considérablement diminué le nombre de créatures depuis les événements de 1995).
  
  
• Contre l'avis de Grant et Billy (qu'on garde sous la main), l'avion entame sa descente et se pose sur une piste d'atterrissage abandonnée. Les personnages s'empoignent et mettent les choses au point sur les véritables raisons de leur venue sur l'île mais avant qu'une solution ne soit trouvée, un grand hurlement dinosaurien se fait entendre. L'un des mercenaires accompagnant les Kirby est tué et l'apparition d'un grand dinosaure carnivore devant l'avion entraine le crash de ce dernier à quelques centaines de mètres de la piste. 
  
  
• Reprenant leurs esprits, les personnage sont attaqués par le carnivore qui a rejoint l'appareil. Après qu'un autre mercenaire ait été tué, les survivants parviennent à semer le carnivore. Attendant prudemment que le carnivore ne laisse plus signe de sa présence, ils finissent par retourner vers les débris de l'avion pour trouver quelque chose leur permettant de contacter l'extérieur. Ne trouvant rien, Grant et Billy se résolvent à emmener le groupe à la recherche d'un abri (Grant fait sans mal le lien avec les rumeurs et donc aussi avec l'incident InGen de 1989, ce qui lui fait espérer que des bâtiments de l'entreprise puissent se trouver sur l'île et leur offrir au moins un abri pour la nuit). 
  
  
• Déambulant plusieurs heures dans la jungle, Grant et ses compagnons d'infortune tombent sur un nid de Velociraptor. Grant explique un certain nombre de choses à Billy, partageant son expérience similaire douze ans plus tôt avec son jeune apprenti. Contrairement au film, Billy ne prend pas d'œufs. Constatant le nombre restreint d'œufs et que les adultes ne vont pas laisser le nid sans protection bien longtemps, Grant décide qu'il faut reprendre la route sans tarder.
   
• Alors que le soir commence à tomber, les survivants tombent enfin sur le bâtiment explorés quelques années auparavant par Malcolm, Thorne et Eddie. Explorant le lieu mais ne trouvant pas de quoi appeler de l'aide, ils décident d'y passer la nuit. Sachant que les raptors ne tarderont pas à sentir leurs odeurs laissées au nid, les protagonistes se relaient aux vitres de leur pièce aux étages pour surveiller si les dinosaures arrivent. 
  
  
• Au petit matin, alors que le Soleil perce encore difficilement à travers les arbres, un bruit retentit dans les couloirs : trois Velociraptors sont entrés dans le bâtiment. Les protagonistes évacuent l'endroit mais un raptor les prend en chasse. Ils parviennent à s'enfuir mais Udesky est tué. Les personnages courent au milieu d'herbivores avant de se réfugier dans les arbres. 
  
  
• Grant, séparé du groupe, se retrouve pris au piège par les trois Velociraptors. Mais Eric vient le délivrer avec des bombes lacrymogènes. Ils se cachent tous deux dans un camion abandonné. Après avoir discuté et analysé la situation, ils décident de partir à la recherche des autres. 
  
  
• Pas de scène d'attaque dans la volière puisqu'il y en a déjà une parfaite dans Jurassic Park III. Tout au plus les personnages peuvent-ils passer devant celle du Site B (ici) et Grant faire écho à celle dans laquelle il s'était retrouvé en 1989. 
  
  
• Le bateau qu'ils ont trouvé leur permet de descendre la rivière, comme dans le film. Sur les rives, au milieu des quelques dinosaures herbivores qui les regardent passer, de nombreux cadavres et squelettes de dinosaures jonchent le sol, stigmates du DX.
  
  
• Alors qu'ils devisent sur les dinosaures et sur l'histoire du Parc Jurassique, le prédateur géant du début revient attaquer le bateau. J'imagine une scène très similaire à celle excellente du film. Mais écourtée, afin de ne pas faire doublon avec celle du Tyrannosaurus dans le premier roman. 
  
  
• Perso, je zappe la fin avec les Velociraptors. 
  
  
• Finalement, comme dans le film, alertés par le bruit d'hélicoptères, Grant et ses camarades sont secourus sur la plage par des militaires (ici costaricains) accompagnés d'un membre du consulat des États-Unis, tout ce petit monde ayant été prévenu par Ellie Sattler aussi (puisque Grant l'a prévenue de son voyage donc pas besoin d'avoir un mari qui ne sert qu'à ça, elle est assez grande pour le faire elle-même).  
  
  
• En épilogue, je pense qu'on pourrait voir décrite de façon précise l'opération de nettoyage d'Isla Sorna par le Costa Rica, qui élimine les dinosaures restants d'Isla Sorna. 
  
  

Je m'attendais à crier à l'hérésie mais finalement, au fur et à mesure que j'écris, j'ai l'impression qu'il n'y a pas tant de choses à changer que ça pour que le film s'articule avec un minimum de cohérence avec les deux mythiques romans. Reste que contrairement au Parc Jurassique et au Monde Perdu, cette histoire n'a pas de fond et j'avoue ne pas en trouver. Mais une aventure filler, ça peut aller. 

3. Les personnages

Moi je garderais la plupart des personnages du film, je ne vois pas trop l'utilité de les changer vu ce qu'ils ont à faire.

Pour ce qui est de notre bien aimé Grant, je pense que la motivation financière ne suffirait pas pour que son homologue littéraire revienne dans une histoire de dinosaures mais étant donné qu'il n'a lui aucune connaissance de la véracité de ce qu'il se passe sur Isla Sorna, il est possible qu'il accepterait plus volontiers, en se disant que c'est de l'argent facile. L'argumentation des Kirby pour le convaincre pourrait être de ce dialogue entre Denham et Englehorn dans le King Kong de Peter Jackson (2005) : 

- Il n'y a aucune terre à des milliers de nautiques à la ronde ! Ca nous éloigne des routes de navigation, je ne naviguerai pas à l'aveugle dans ces eaux.

- Je mettrai le prix qu'il faudra.

- Il n'y a rien dans ce secteur.

- Vous n'avez donc rien à perdre, dans ces conditions. 

Là, ce serait un petit peu pareil : puisque Grant ne croit pas qu'il y a des dinosaures sur cette île (il ignore les événements de 1995 et pense donc que les dinosaures - hormis ceux qui ont atteint le continent - ont tous été détruits au napalm), ça ne lui coûte pas grand-chose de les accompagner pour avoir une bonne rémunération ensuite. Surtout que si comme prévu il n'y a rien à voir, il pourra continuer à nier son implication dans l'incident de 1989. 

4. Les dinosaures

Avis sans doute impopulaire, je garderais ce bon vieux Spiny, j'en ferais le grand prédateur mais contrairement au film j'éviterais de commettre l'erreur de lui faire tuer un T.rex. Pour le reste, je ne pense pas que je rajouterais grand-chose et ce d'autant plus que comme le DX fait son œuvre et déséquilibre l'écosystème d'Isla Sorna, on peut imaginer que des espèces aient disparu. 

Moi, je garderais pour un roman Jurassic Park III canon au saint diptyque : 

1. Velociraptor
2. Spinosaurus
3. Apatosaurus
4. Styracosaurus
5. Hypsilophodon
6. Pachycéphalosaurus
7. Dilophosaurus
8. Gallimimus
9. Procompsognathus
10. Cearadactylus
11. Parasaurolophus

Et oui, j'enlève le T.rex. 

Mais oui t'es le plus beau, alors je te garde.

Conclusion

Alors bien évidemment, tout cela n'est que pure fantaisie de ma part et il y a fort à parier que si Michael Crichton avait pu écrire un troisième roman, le résultat aurait été fort différent de ce que fut Jurassic Park III. Ce fut une fantaisie rigolote à faire et peut-être, si j'ai le temps et que j'y pense, j'essayerai de le refaire avec Jurassic World. 

Comme je l'ai mentionné au début de cet article, Crichton participa un tout petit peu à l'écriture de Jurassic Park III quand le projet est né en 1999 et peut-être, sait-on jamais, verra-t-on un jour apparaitre un document montrant ce que l'auteur illustre du saint diptyque avait imaginé (pas de synopsis évidemment et encore moins de script mais pourquoi pas quelques idées éparses).