Ouvrir le parc à dinosaures dans Jurassic World : la fausse bonne idée ?

Bon, il est enfin temps d'aborder un gros morceau qui me pose problème depuis des années concernant Jurassic World

Aujourd'hui, je vais exposer longuement ce qui m’embête dans l'ouverture du parc à dinosaures dans le quatrième épisode de notre chère saga des dinosaures. 

Une petite note avant de commencer : malgré le fait que je vais critiquer pas mal de points du film, ce qui va suivre n'est pas un réquisitoire contre Jurassic World. Si vous voulez voir du hater défoncer ce blockbuster, il vous faudra aller ailleurs.


Comme tout le monde parmi les fans de Jurassic Park, j'ai attendu de nombreuses années l'arrivée de Jurassic Park 4. Fan depuis l'âge de sept ans, je ne conçois pas à titre personnel Jurassic Park autrement que comme la trilogie originale, qui reste mon oeuvre cinématographique préférée. Plus qu'un quatrième film, j'attendais surtout un épisode qui clôturerait l'histoire de cette trilogie dans la logique du message de Jurassic Park et The Lost World, afin justement que la saga ne se perde pas dans des directions et concepts dénaturant sa portée et y amenant des choses qui n'y ont pas leur place.

Si nous étions tous très contents lorsque le projet s'est remis enfin sur les rails en 2011 avec la nomination de Rick Jaffa et Amanda Silver (le duo derrière Rise of the Planet of the Apes, reboot de la célèbre saga simienne) au scénario du film, nous fûmes nombreux à retomber durement de notre petit nuage lorsque les premières informations sur le contenu de leur histoire filtrèrent. 

En effet, dans l'idée du couple, Jurassic Park IV montrerait un parc à dinosaures opérationnel bâti sur Isla Nublar, vingt ans après les événements de Jurassic Park.  

Pour beaucoup d'entre nous, l'ouverture du parc relève d'un non-sens, d'une incompréhension de l'histoire et du message des films précédents. Une sorte d'hérésie en somme. Bien évidemment, il y a de la nuance à apporter avec le résultat final de Jurassic World mais j'y reviendrai après avoir développé ce que j'ai à dire là-dessus.

Pour vous le résumer simplement avant de me lancer dans le gros du sujet, je résumerai ceci en disant qu'ouvrir le parc est une bonne idée de reboot mais une mauvaise idée de suite. Et c'est bien là que se noue le problème avec Jurassic World.  

L'abandon du thème du parc à dinosaures : la cohérence et la continuité de la trilogie Jurassic Park


Alors qu'est-ce qui m’embête au juste dans cette idée qui a fait jouir le monde entier en 2015 de voir enfin le parc à dinosaures ouvrir ses portes ? Principalement le fait que ça contredit totalement tous les événements de la trilogie précédente et que ça n'a aucun sens dans la continuité de celle-ci.

Un argument pour défendre le film fut de dire "C'est très bien, c'est original car on avait jamais vu le parc ouvert !" (ce fut notamment le cas me semble-t-il de Durendal dans sa vidéo de Top de l'année 2015 mais j'avoue ne plus me rappeler si d'autres l'ont dit avant lui). A ce point, on peut répondre simplement : si l'on avait jamais vu le parc à dinosaures opérationnel, c'est parce qu'il y avait une bonne raison à cela

En effet, si vous suivez un film en écoutant les dialogues des personnages, vous constaterez que cette idée du parc est abandonnée dès le premier film et qu'à partir de là il est on ne peut plus normal que les films suivants ne reviennent pas dessus, pour une simple question de cohérence dans le propos de cette histoire. 

Dans Jurassic Park, tout ce que dit Ian Malcolm est la dénonciation du contrôle de la nature que John Hammond croit avoir. La nature ne peut être contenue, elle se libère, elle brise les barrières (littéralement). De ce fait, la conversation entre Hammond et Ellie dans le restaurant du parc est importante car c'est à ce moment-là qu'il prend peu à peu conscience de son erreur, que son projet rêvé était en réalité impossible car jouant avec les règles naturelles et voulant contrôler ce qui ne peut pas l’être. Par la suite, John Hammond reconnait de lui-même à la fin du film que son parc n'est pas une bonne chose et cela est traduit par son dernier dialogue de Jurassic Park

Alan Grant : "Monsieur Hammond, après un examen attentif, j'ai décidé de ne pas avaliser votre parc."
John Hammond : "Moi aussi."

John Hammond a peut-être perdu son rêve mais il a gagné quelque chose de plus important : une leçon et un respect de la nature. 

Cette prise de conscience de John Hammond de son erreur et de l'impossibilité de son projet amène logiquement à la pensée écologique qui est la sienne dans le deuxième opus, The Lost World. Au début de celui-ci, on apprend que les dinosaures d'InGen sont toujours vivants sur Isla Sorna, une seconde île où l'entreprise fabriquait les dinosaures, les étudiait et les élevait quelques temps avant de les transférer dans le parc sur Isla Nublar. Lorsque l'incident eut lieu, la société périclita et le passage de l'ouragan Clarissa sur Isla Sorna poussa InGen a abandonner toutes les installations. Sans doute poussé par sa nouvelle vision des choses, Hammond fit que les animaux furent libérés afin de vieillir sur l’île à leur guise le temps que la solution lysine fasse effet. Mais la nature trouva son chemin et les dinosaures ne s'éteignirent pas, mais continuèrent à vivre, à se reproduire et se mirent à prospérer sur le Site B.

Cependant, après les récents événements autour de l'attaque de la jeune Cathy Bowman sur la plage d'Isla Sorna par des Compsognathus, la situation est de plus en plus tendue. Les actionnaires d'InGen, considérant que le secret de l'existence de ces dinosaures ne pourra plus être tenu très longtemps, envisagent de saisir cette opportunité en utilisant le Site B pour renflouer les caisses de l'entreprise, laquelle est dans un véritable gouffre financier depuis l'incident de 1993 sur Isla Nublar. Par ailleurs, on apprend que cela fait plusieurs années que cette question divise dans la société de biotechnologie, ce qui indique que la survie des dinosaures a été constatée relativement vite après l'abandon d'Isla Sorna. Mais que fait John Hammond ? Le milliardaire voit-il l'occasion d'accomplir enfin son rêve de parc à dinosaures ? Bien au contraire, John Hammond semble être le seul de sa société à avoir tiré la leçon de l'échec du Jurassic Park et à tenir bon pour qu'InGen ne revienne pas sur le Site B. Pour lui, les dinosaures ne doivent pas être utilisés à des fins d'argent et de profit mais doivent être laissés en paix sur leur île, à l'abri des regards indiscrets pour que la nature poursuive sa route sans être dérangée. 

Comme on le sait, cet état d'esprit du milliardaire est résumé par une réplique culte (et empreinte d'ironie) de Ian Malcolm : "Alors vous êtes passé de capitaliste à naturaliste en quatre ans ? C'est une prouesse...". Ce qui est aussi important est une autre réplique qu'ajoute John Hammond quelques secondes plus tard, après avoir exposé au mathématicien son plan d'expédition pour "sauver" les dinosaures du grand projet mis en place par la nouvelle direction d'InGen qui est sur le point de prendre sa place : 

"C'est notre dernière chance de rédemption."

John Hammond a donc définitivement tourné la page de son projet rêvé et ne souhaite désormais plus que protéger les dinosaures et donc la nature. Contrairement à ce qui sera beaucoup dit par Universal et Masrani, c'est là la véritable vision de John Hammond, son héritage : un monde perdu, isolé du reste du monde, où la nature s'épanouit.   


Notons que dans l'idée de la trilogie originale, les seuls dinosaures vivants sont ceux d'Isla Sorna, ceux d'Isla Nublar ayant été détruits (c'est notamment une scène coupée du film qui nous l'apprend et malgré le fait que cela ne fut pas gardé dans la version finale, cela montre donc que c'est comme ça que cela a été pensé par Steven Spielberg et David Koepp, d'autant plus que c'est en accord avec les deux romans de Michael Cricthon dont les films sont les adaptations et que d'autres éléments du film vont dans ce sens) ce qui explique que l'on ne parle pas d'Isla Nublar dans le film mais que du Site B. La franchise actuelle Jurassic World en a ensuite décidé autrement pour raconter sa propre histoire sans se soucier de ce qu'il s'est passé avant et surtout pour permettre au Tyrannosaurus rex du premier Jurassic Park d’apparaître (qui a dit déjà que tous les clins d’œil de JW sont pertinents ? C'est bien gentil de la part de Colin Trevorrow de vouloir faire plaisir aux fans mais quand c'est une débilité qui contredit la continuité, c'est juste honteux). 

Enfin, pour en revenir à The Lost World, on me rétorquera que si John Hammond ne veut plus de parc à dinosaures, ce n'est pas le cas du reste d'InGen et que c'est justement leur projet : se rendre sur Isla Sorna, le dernier endroit où ils peuvent trouver des dinosaures, et en capturer le plus de spécimens pour ouvrir un nouveau Jurassic Park dans les installations abandonnées de San Diego (qui était le premier site choisit pour accueillir le parc avant que John Hammond ne décide qu'il était plus intéressant de s'installer sur Isla Nublar). Mais si c'est effectivement comme ça dans le film, ce n'est pas la concrétisation du projet que le film montre. Ce que le film montre, c'est la lutte "idéologique" entre les deux points de vue : l'équipe de Hammond menée par Malcolm qui vient observer et protéger la nature face à celle de Ludlow qui vient au contraire piller la nature car considérant que celle-ci n'a aucun droit et que les dinosaures ne sont que des produits de laboratoires dont la seule raison d’être est d’être exploités à des fins commerciales. The Lost World montre les deux visions de la chose et c'est au final la perspective écologique qui l'emporte. 

La nature a gagné et les dinosaures ont obtenu le droit de vivre tranquillement. C'est ce que résume Hammond à la toute fin du film : 

"Il est absolument impératif que nous nous mettions à travailler en étroite collaboration avec la Direction des Réserves Biologiques du Costa Rica pour établir une série de règles, pour garantir la préservation et l'isolement de cette île. Ces créatures ont besoin de notre absence pour survivre et non de notre aide. Et si nous pouvions simplement nous effacer et faire confiance à la nature, la vie trouvera son chemin."  

(Remarquons que John Hammond parle bien ici de "CETTE" île et non de "CES" îles, ce qui laisse penser encore davantage qu'il n'y a qu'une seule île avec des dinosaures, à savoir Isla Sorna. Cela étant, comme je l'ai développé dans de précédents articles, si l'on se place dans le background actuel de la franchise Jurassic World, on peut imaginer qu'InGen ignorait à cette date - c'est-à-dire trois ans après l'expédition de Wu sur le site du parc pour faire l'inventaire des espèces et comprendre comment elles se reproduisent - que les dinosaures de Nublar étaient encore vivants, estimant sans doute que la solution lysine avait fini par faire son oeuvre. C'est la seule explication qui a du sens.)

Par la suite, cette volonté de John Hammond de protéger les dinosaures se retrouve dans Jurassic Park 3. En effet, on voit qu'au début du film il est indiqué qu'Isla Sorna est une zone interdite d'accès et cela est rappelé une nouvelle fois juste avant que Udesky coupe les communications de l'avion qui pénètre dans cet espace : 

"Avion non-identifié en approche Isla Sorna. Ici tour de contrôle San Juan, vous entrez dans un espace aérien interdit..."

"C'est loin mais c'est beau".

Jurassic Park 3 ne développe pas tellement plus ce point essentiel des deux films précédents. Tout juste remarque-t-on que Grant a du mal à croire que les Kirby aient pu obtenir l'autorisation de survoler l’île et que le gouvernement américain a expliqué à ces derniers qu'on ne pouvait pas aller sur Isla Sorna pour récupérer leur gamin puisque c'est justement une zone interdite. JP3 n'est qu'un filler, un épisode bonus, et ne remet pas en cause ce que les deux autres films ont posé (les éléments polémiques du film tiennent bien plus d'un manque d'explication que de l'incohérence). En cela, aussi décrié qu'il puisse être (alors que pour ma part, je l'apprécie toujours autant et le préfère aux Jurassic World), le film de Joe Johnston s'inscrit donc dans le respect de la continuité logique de la trilogie et ne gêne pas. 

Il ouvrait la voie à un Jurassic Park IV dont nous étions nombreux à espérer qu'il revienne plus directement sur ce thème pour conclure la saga. Le postulat de Fallen Kingdom est ainsi un bon exemple de ce que nombre d'entre nous imaginaient pour un dernier film Jurassic Park : après avoir été laissés en liberté sur leur île pendant X années, une menace pèse désormais sur eux et/ou ils deviennent un risque écologique mais quelle réponse y apporter ? Doit-on sauver les dinosaures ? Doit-on continuer à les laisser tranquilles ? Doit-on se résoudre à les exterminer ? En a-t-on seulement le droit ? 

Jurassic World 2 a eu la bonne idée d'introduire ces questions et on espère que cela se poursuivra dans Jurassic World 3

Mais le mal est déjà fait : l'effacement du message de la saga a eu lieu dans Jurassic World 1

Ouvrir le parc à dinosaures dans Jurassic World : pourquoi ça coince

Entendons-nous bien tout d'abord avant de poursuivre : si j'estime que l'ouverture d'un parc à dinosaures dans Jurassic World était une très mauvaise idée qui casse tout ce que la trilogie a construit, c'est bien évidemment en terme de continuité de l'histoire après la trilogie. 

En soi, faire un film reboot avec un parc à dinosaures qui ouvre ses portes sur une île nommée Isla Nublar n'est absolument pas un problème et comme je le développerai plus loin, le traitement de l'idée possède un certain nombre de qualités. Mais ce qui est incohérent, c'est en revanche que tout cela se passe dans une suite de Jurassic Park. C'est là qu'est le véritable problème.


Concept art pour Jurassic World. Heureusement ils ont fini par opter pour un truc moins futuriste. Ou ils le gardent pour un troisième parc qui ouvrira sur Isla Nublar en 2050.

D'emblée lorsque le postulat du film fut annoncé, tout le monde se posait la question du "comment c'est possible après tous les événements (et le message donc) de la trilogie ?". On s'attendait donc tous plus ou moins à ce que le film vienne résoudre cette question à un moment ou à un autre pour justifier son existence et s'intégrer correctement au bloc des trois films précédents. 

Mais il n'y a rien eu. Il n'y a AUCUN P*TAIN de moment au cours duquel Jurassic World vient éclairer notre lanterne sur la raison pour laquelle un second parc a pu être construit sur Isla Nublar. Rien. Ou plutôt si mais le minuscule début de commencement d'explication n'a aucun sens. 

Souvenez-vous, lorsque Masrani embarque Claire dans son hélicoptère bleu pour aller voir l'Indominus rex, les deux personnages discutent un peu. Zappons le fait que ce que Claire dit de la situation du parc (90% de satisfaction client, un bénéfice 2,5% plus important que l'année précédente) laisse à penser qu'en fait Jurassic World se porte très bien et prêtons plutôt attention à une réplique de Simon Masrani, le milliardaire qui jusqu'à ce moment-là du film semblait éminemment sympathique :  

"Ne me parlez plus de coûts ! John Hammond m'a chargé d'appliquer ses dernières volontés et jamais il n'a parlé de coûts. "Dépenser sans compter", voilà ce qu'il disait !"

"John Hammond m'a chargé d'appliquer ses dernières volontés"... Bon, essayons de rester zen... C'EST QUOI CETTE CONNERIE ? NON MAIS WHAT THE F**K ?! 

Hum, hum... Désolé, je me suis emporté. 

DONC Masrani est en train de dire que l'homme qui a renoncé au rêve de sa vie après avoir compris son erreur et avoir retenu la leçon en se battant pendant plusieurs années pour éviter absolument qu'on vienne perturber la vie des dinosaures sur Isla Sorna parce que la vie va trouver son chemin, ce même homme a finalement décidé dans les derniers mois de sa vie de changer d'avis et de demander à ce que ce qu'il ne voulait pas se fasse... Ça n'a absolument aucun sens. John Hammond était-il donc devenu complètement sénile directement après les événements de The Lost World ?


Simon Masrani est-il donc un menteur qui a abusé de la confiance d'un John Hammond affaibli ? On pourrait le penser au premier abord mais ça ne cadre pas vraiment avec ce que le film nous montre du personnage. D'autant plus que Masrani ajoute ceci juste après : 

"N'oubliez pas que Jurassic World existe pour montrer combien nous sommes minuscules et récents [...]" 

Donc le PDG de la Masrani Global Corp n'a pas fait tout cela pour des raisons commerciales, il a une raison plus profonde pour avoir son parc à dinosaures, comme du reste avait John Hammond dans le premier film. C'est un bonne intention mais il en reste que c'est complètement incohérent avec les deux premiers films de la saga. 

De façon plus générale, c'est un souci qui apparaît ponctuellement dans Jurassic World : la contradiction. En effet, nombre de choses sont dites puis l'exact contraire est montré. Pour prendre un exemple flagrant, considérons la remarque de Claire sur le T-shirt  estampillé Jurassic Park de Lowery, la directrice des opérations du parc estimant que cela frise le mauvais goût, qu'il y a eu des morts, etc. Qu'il faut oublier le premier parc, en somme. Le problème est que tout ou presque à Jurassic World renvoie au premier parc : le logo, le Tyrannosaurus rex, le laboratoire Hammond et jusqu'à la voix du monorail qui explique aux visiteurs que la grande porte du Jurassic World a été fabriquée avec des morceaux de la porte du Jurassic Park d'origine. 

Notons d'ailleurs le fait d'utiliser la mémoire de Hammond en baptisant le centre de recherches génétiques du parc de son nom alors que le Hammond en question était contre la création d'un autre parc à dinosaures.   

Ah, je te comprends. Mais il va falloir quand même que je nuance tout cela dans la conclusion de cet article.

De plus, et comme je l'ai déjà mentionné plus haut, on serait tenté de rétorquer que refaire un parc était déjà une idée qui avait son importance dans The Lost World. Sauf que oui mais non : dans The Lost World, le plan des mecs d'InGen est contrebalancé par les actions de l'équipe d'observation envoyée sur Isla Sorna par John Hammond et il y a un véritable conflit "idéologique" entre les deux groupes lorsqu'ils se rencontrent sur l’île. Or, dans Jurassic World, personne ne semble être contre le fait qu'un parc à dinosaures existe, il n'y a aucun débat sur la question, c'est quelque chose qui est accepté par tout le monde. 

Tout cela est aggravé par le fait que rien ne vienne faire le lien entre Jurassic World et la trilogie précédente en terme de continuité des événements. C'est comme si les trois premiers films n'avaient jamais existé dans ce quatrième film. C'est un problème car ça rend le passage de Jurassic Park 3 à Jurassic World extrêmement abrupte. On passe sans transition du vœu de John Hammond de laisser la vie en paix sur Isla Sorna à un parc flambant neuf - soi-disant demandé par lui, ce qui est incohérent au plus haut point comme déjà dénoncé - sur Isla Nublar, comme si c'était complètement normal. Alors que ça n'a surtout aucun sens. 

Voir John Hammond se dire que finalement un parc à dinosaures c'était pas une mauvaise idée, c'est comme si Aragorn décidait de fabriquer un second Anneau Unique dans les flammes de la Montagne du Destin pour gouverner la Terre du Milieu après Le Retour du Roi ou que Luke se dise dans Le Retour du Jedi qu'en fin de compte ce serait cool de passer dans le coté obscur pour régner sur la galaxie ! 

On notera que c'est un problème semblable à ce qu'on connait également pour la troisième trilogie Star Wars, qui démarre trente ans après l'épisode VI : le Retour du Jedi mais ne donne aucune précision claire sur le contexte politique dans lequel cette nouvelle histoire se passe (ce qui m'avait embêté, on ne demande pas la Lune, trois minutes auraient suffi). J'ose d'ailleurs espérer que tous les gens qui ont hurlé sur ça contre Star Wars, épisode VII : le Réveil de la Force ont détesté l'introduction du parc dans Jurassic World !  

C'est d'autant plus dommageable qu'en partant de la trilogie Jurassic Park il aurait été facile de justifier quand même l'existence de ce second parc dans Jurassic World. Point n'est besoin de charcuter le background de la trilogie originale (comme cela fut fait avec les sites dérivés) et d'aller chercher une excuse incohérente avec John Hammond (qui devait être alors sérieusement gâteux et sénile pour en avoir oublié toutes ses convictions). Comme l'on déjà fait remarquer de nombreux fans de Jurassic Park avant moi, la fin de Jurassic Park 3 peut suffire. En effet, comme vous le savez, à la toute fin de ce troisième épisode, à cause d'une étourderie d'Amanda Kirby (qui n'a pas fermé correctement la porte de la volière...), trois Ptéranodons parviennent à quitter Isla Sorna. Dès lors, on pouvait facilement imaginer que ce nouvel incident (ou un autre ultérieur, comme la fameuse attaque d'un match de Baseball par les ptérosaures qui traîna longtemps dans les scénarios) incita les autorités à essayer de trouver une solution. Le parc aura alors pu faire office de compromis pour régler le problème autant que faire se peut, c'est-à-dire que les voyages touristiques illégaux autour d'Isla Sorna cessent et que les gens puissent voir des dinosaures en toute sécurité. Les gens veulent voir du dinosaure ? Très bien, ouvrons un parc sur l'autre île pour contenter les gens et laissons enfin Isla Sorna dans son coin. Tout simplement. Ça aurait pris quelques lignes de dialogues, n'aurait pris qu'une minute à peine à l'écran et ça aurait réglé en partie le problème. 


En partie car il ne faut pas oublier non plus que Jurassic World prend un malin plaisir à vouloir absolument faire des choses qui rendent les trois précédents films encore plus inutiles que le seul sujet du parc. Et là encore, c'est la leçon du "la vie trouve toujours un chemin" qui est "violée" pour des besoins qui peuvent se comprendre pour apporter de la nouveauté mais qui n'ont aucun sens en terme d'histoire globale de la saga. 

Les deux faits qui sont concernés sont bien évidemment l'introduction de la thématique des hybrides et le dressage des Vélociraptors (d'abord pour tester leur intelligence et plus lointainement mais tout de même pour des fins militaires). Pour les deux du fond qui dormaient en regardant Jurassic Park et The Lost World, rappelons que la thématique de la vie qui trouve son chemin n'est pas une punchline sortie d'un Marvel, elle a un sens et signifie quelque chose dans l'histoire qu'on nous raconte : dans Jurassic Park la nature "violée" par les scientifiques d'InGen brise ses chaines malgré toutes les précautions prises par ses derniers, puis a repris complètement ses droits dans The Lost World avec les dinosaures qui vivent désormais dans un microcosme qui leur appartient, le Site B, où l'Homme n'a plus sa place.  

Dans Jurassic World, non seulement les leçons du passé ne sont plus retenues mais en plus la nature est encore davantage mise sous contrôle : non contents d'avoir ressuscité les dinosaures et de troubler ainsi l'ordre naturel, les scientifiques de Masrani Corp vont encore plus loin en fabriquant de toutes pièces un animal totalement chimérique, l'Indominus rex. Pendant ce temps-là, une bande de cinglés a le projet complètement taré d'utiliser les raptors pour faire la guéguerre. Jurassic World nous apprend donc que non seulement on peut continuer à "violer" la nature sans remords après les leçons du passé mais qu'en plus on peut la pervertir autant qu'on veut derrière... Ça n'a absolument aucun sens dans une suite de Jurassic Park

Cependant, il faut nuancer les choses : si tout cela n'a pas sa place dans la continuité de la trilogie Jurassic Park, ce n'est pas pour autant que ça n'a pas d’intérêt. 

Effacer le message de la trilogie : un mal pour un bien ?

En effet si l'on enlève Jurassic World comme faisant partie de la saga Jurassic Park (la trilogie), l'idée d'un parc à dinosaures ouvert et qui marche, d'hybrides et de dressage de dinosaures présentent un certain intérêt à certains niveaux. 

Montrer dans un film un parc avec des dinosaures opérationnel n'est pas une mauvaise idée en soi et bien que cela pose problème dans Jurassic World à cause du fait que ça n'a pas de sens avec les opus précédents, il faut bien reconnaître que l'aspect visuel du parc est vraiment bien fichu, on aimerait tous pouvoir se rendre dans ce parc et passer quelques jours à admirer les dinosaures !

On notera que l'esthétique des installations dudit parc semblent réaliser ce qu'avait dit Rick Carter, chef décorateur sur Jurassic Park. Lorsqu'il s'est agi de créer les bâtiments pour le film de 1993, Carter estima qu'étant donné que le parc n'était pas encore ouvert et visait une certaine authenticité, il fallait que les décors reflètent la sensation de se trouver dans une réserve naturelle, le Jurassic Park étant plus proche de cela que du simple parc d'attractions à base de dinosaures. Carter expliqua que si le parc existait vraiment, cet aspect serait conservé les premières années mais qu'au fur et à mesure que le parc aurait du succès, on se dirigerait probablement vers quelque chose de moins "naturel", un vrai site qui fait de l'argent sa priorité numéro 1 et où le divertissement et la société de consommation l'emportent. Les dinosaures n'y seraient plus qu'une attraction parmi d'autres et l'on ne s'intéresserait plus vraiment à eux.

      
Vu comme cela, Jurassic World fait sens et il est d'ailleurs bon de voir que ça permet au parc du film d'avoir sa propre identité visuelle. Après, on peut ne pas forcément apprécier cet aspect ultra-moderne du décor. Pour ma part, je trouve que tout cela manque de naturel et d'émotion, ça ne me fait rien de voir ces bâtiments-là alors que ceux du film original avaient un charme sauvage et exotique (de même également que les décors du Site B dans les deux opus suivants qui s'intègrent parfaitement dans l'idée de la nature qui reprend ses droits et ça donne un fantasme d'urbex). Mais ce n'est que mon ressenti personnel et il n'y a bien évidemment rien de honteux à préférer le centre des visiteurs du Jurassic World. 

De même pour les hybrides et la domestication des dinosaures. Si cela contredit le sens de la trilogie, il faut avouer que le concept est plutôt intéressant et que si Jurassic Park n'avait pas été un échec, ces étapes auraient été logiques. On peut cependant y trouver une logique au-delà de la franchise Jurassic Park : après avoir vu tant de films avec des dinosaures, que peut-on montrer de plus qui serait nouveau ? Pour le cas général des dinosaures au cinéma ça peut faire sens, bien que mal utilisé cela puisse faire lorgner le film du coté de films comme la saga Carnosaur

Colin Trevorrow tente de faire de l'Indominus rex une représentation de la politique hollywoodienne dans les blockbusters qui consiste à suivre la demande des spectateurs de faire toujours plus grand, toujours plus impressionnant, toujours plus tout. Le message ne fonctionne pas totalement mais l'intention est louable. Le point faisant que l'idée est bancale est aussi l'opposition entre l'hybride artificiel et les dinosaures naturels. Si l'idée de base pouvait faire sens, cela a été réduit à néant par la fameuse réplique de Wu par laquelle il explique que tous les dinosaures du parc (et donc, par extension, de la saga) ne sont en fait que des monstres. De ce fait, l'opposition nature/artificiel ne fonctionne pas puisque ce ne sont au final des deux cotés que des bestioles génétiquement fabriquées. Cette phrase de Wu est d'ailleurs un autre point sur lequel le film et ses auteurs se trompent à mon avis mais c'est un sujet que nous aborderons une autre fois (ils ont pris la solution de facilité et ont fait les choses à l'envers de ce qu'il aurait fallu).

Je t'aime bien mais désolé de te le dire : tu n'as rien à faire dans le même univers que la trilogie Jurassic Park. Désolé. Mais je t'aime bien quand même. 

Pour comprendre l’intérêt de tout cela malgré les incohérences scénaristiques et de sens que cela a (ou plutôt que ça n'a pas avec la trilogie originale), il faut mettre le nez au-delà des films. 

Lorsque le projet Jurassic Park IV est ressorti du placard chez Universal au début des années 2010, cela fait déjà presque une décennie que Jurassic Park 3 était passé. Si contrairement à ce que veux la légende tenace Jurassic Park 3 n'est pas la cause du development hell de l'opus suivant, il en reste que la marque Jurassic Park appartient maintenant à quelque chose d'ancien pour les spectateurs. Si on veut redémarrer la franchise, il fallait donc apporter du sang neuf et trouver surtout un nouveau point de départ fédérateur pour ramener les gens en salles. C'est dans cette optique-là que le fait d'ouvrir le parc à dinosaures dans Jurassic World trouve son intérêt : cela permet de réaliser un vieux fantasme de fans (que je n'ai pour ma part jamais vraiment eu mais c'est quelque chose qui tenait à cœur à beaucoup de monde) et également d'introduire par ce retour à l'idée de base la saga à une nouvelle génération de jeunes spectateurs. 

Colin Trevorrow voulait mettre en scène les dinosaures du parc comme étant des animaux désormais banalisés, qui ne font plus rêver puisque cela est devenu normal, essayant de dresser un parallèle entre les spectateurs du film et les visiteurs du parc. L'ironie fut que son film fut un tel succès qu'il relança la dinomania auprès des jeunes générations, ce qui garanti un intérêt durable pour ces fabuleuses créatures du passé. Pour ma part, j'ai toujours trouvé que cette excuse témoigne d'un certain cynisme - peut-être inconscient de la part de Colin Trevorrow d'ailleurs - car j'ai beau connaitre absolument par cœur la trilogie, je ressens toujours autant d'émotions en voyant le Brachiosaurus dans la plaine, le Tricératops malade, les sauropodes qui chantent la nuit, les Stégosaurus qui passent devant Malcolm, Nick et Eddie, la fin magnifique de The Lost World ou encore le troupeau d'herbivores à coté de la rivière d'Isla Sorna dans Jurassic Park 3. Ça a beau être "normal" pour moi après tant d'années, ça me touche toujours.  
   
Conclusion

Si elle contredit donc complètement le message, la portée et le sens de la trilogie Jurassic Park, l'ouverture du parc à dinosaures dans le premier film de la franchise Jurassic World apporte une façon de relancer la franchise en revenant à la base du concept pour ensuite partir dans une nouvelle direction. Cela a permis à la licence de se faire de nouveaux fans et d’être repartie pour un tour qui semble d'ores et déjà appelé (hélas ?) à durer. 

Personnellement, j'ai beau avoir vu Jurassic World un paquet de fois et malgré le fait que je l'aime bien, c'est toujours quelque chose qui m’embête tant ça dénote par rapport aux trois premiers. C'est pour cela que j'ai dans mon esprit tendance à considérer la trilogie Jurassic Park et la franchise Jurassic World comme étant deux sagas bien distinctes, qui n'ont pas la même vision des choses, qui ne sont pas pensées de la même façon, et surtout qui ne me touchent pas pareil. 

J'aime bien la franchise Jurassic World, bien plus que bon nombre de sagas récentes qui pourtant me posent moins de problèmes. Cependant, ce que ces derniers films font n'est pas ce qui m'importe dans la saga Jurassic Park, ce n'est pas ce qui me passionne en elle depuis tellement d'années. 

Sans doute aurait-il mieux valu que Jurassic World soit un reboot et non une suite pour que le concept du parc à dinosaures opérationnel puisse être exploité à fond sans que ça ne dénature la trilogie précédente. Mais laissons ici ce débat et tournons-nous vers l'avenir. Qui sait, puisque le film doit faire le lien avec tous les films de la saga, peut-être Jurassic World 3 apportera des éléments intéressants sur cette question... 

Commentaires

  1. Moi j'aime plus ce parc que celui du 1.

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    1. Ah mais je ne conteste pas le fait qu'on puisse l'aimer voire même le préférer au premier parc. Chacun ses goûts.

      Je dis juste que refaire un parc est complètement débile et incohérent après les trois premiers films, c'est tout.

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  2. Elément en plus : comme Colin Trevorrow a atomisé le sens de Jurassic Park et le fait qu'un parc à dinosaures ne pouvait pas marcher, ça entraîne que Jurassic World se tire au passage sur lui-même une énorme balle dans le pied. Puisque si on a pu dire qu'on s'en fichait de ce que la catastrophe de 1993 (et celle de 97) nous avait appris, que "la vie trouve toujours un chemin", tout ça, qu'est-ce qui empêche désormais de faire encore un autre parc après le Jurassic World ?

    Comme le concept du parc n'a plus aucun sens puisque Colin Trevorrow et Universal l'ont annihilé par appât du gain, incompétence et volonté d'attirer le public - qui décidément n'écoute pas ce que disent les films -, on peut très bien en faire un troisième sans que ça ne pose aucun problème puisqu'en l'absence de fond au concept, il n'y a plus aucune contrainte, un parc à dinosaures ne prête plus à conséquences du tout.

    Le fait d'ouvrir le parc dans Jurassic World était déjà une hérésie totale vis-à-vis de la trilogie Jurassic Park mais c'est en plus quelque chose qui dissert complètement le film en lui-même.

    Déjà que Jurassic World est d'une hypocrisie rarement atteinte pour un film.

    On ne s'étonnera donc pas d'apprendre un jour, pourquoi pas, que BioSyn a son propre parc quelque part en construction ou qu'on en voit un dans les nombreux dérivés à la con qu'Universal va nous pondre pour les prochaines années.

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  3. Ce que j'adore dans ce blog c'est que sur à peu près tous els points je suis toujours d'accord avec toi. XD

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